Mademoiselle chante le blues.

Patricia Kaas l’a chantée, et maintenant c’est fait. « Mademoiselle » chante le blues depuis deux jours. C’est officiel : sur les formulaires de l’Etat, on sera désormais Monsieur ou Madame. Mademoiselle est priée de prendre son sac à main et de quitter le lexique législatif.
Ce triste sort me fait de la peine. Quand je regarde ma fille, même si elle montre beaucoup de maturité du haut de ses dix ans,  j’ai du mal à comprendre comment l’administration pourrait la voir comme une « madame ».
Dans quel but faiton donc disparaître Mademoiselle ? Eh bien, messieurs-dames (les demoiselles sont priées de quitter la pièce), ce serait suite aux plaintes de féministes qui dénonceraient la présence de Mademoiselle sur les formulaires de l’Etat, présence qu’elles estiment être « une discrimination à l’encontre des femmes, ainsi contraintes de faire état de leur situation matrimoniale ».
Avoir les mêmes possibilités qu’un homme: égalité de salaire, opportunités d’embauche, égalité de droits, ça vaut la peine d’être défendu. Se battre pour faire disparaître tout trace de différences entre les femmes et les hommes, par contre, me laisse perplexe, et j’avoue être déboussolée par cette volonté de gommer les différences au point où reconnaître qu’on est une femme non-mariée serait tacite acceptation de sexisme. Pourtant, dans le mot « féministe », il y a « féminin ». Féminin, c’est être une femme.
A force de tout mélanger, le féminisme nous mènera-il un jour à ceci (trouvé sur le site rueduteeshirt.com)?
Monsiuer Madame
On se bat depuis des décennies pour avoir des droits, mais pas au prix de réduire nos choix existants. Entre autres, le choix de démontrer par « Mademoiselle » qu’on n’est pas mariée. Les opposantes de Mademoiselle voient ce terme comme une obligation administrative de faire état de sa situation matrimoniale, mais c’était aussi un moyen pour les femmes, de faire valoir leur statut de célibataire. Eh, oui. Ma fille s’appellera Madame, quelles que soient ses envies. Elle qui, à dix ans, revendique déjà le droit d’être célibataire plus tard risque de vous en vouloir, car aux yeux de Mr Toutlemonde, elle pourrait être mariée ou pas, qu’importe.
Tout est donc dans sa façon de voir les choses, mais on doit avoir le choix: Madame ou Mademoiselle. Certaines femmes seraient donc prêtes à répudier la pauvre Mademoiselle et la laisser dehors sur le trottoir linguistique au nom d’une soi-disant égalité? Ce n’est pas un peu s’autodétruire pour le plaisir d’imposer sa loi?
Vous avez sans doute vu dans les médias qu’en Inde, on se bat pour d’autres droits pour la femme. On se bat contre l’indifférence quand une jeune fille se fait violer par six hommes dans un bus, et que non seulement personne ne se lève, mais la police n’intervient pas. Et ici, en France, on s’offusque parce qu’on ose nous donner le choix de nous appeler Madame ou Mademoiselle?
Jeanne D'ArcLa France arbore fièrement ses femmes légendaires. Marianne est la personnification de la liberté et de la raison, et représente la France dans toute sa gloire. Avec sa poitrine généreuse qui est censée être à l’image de la générosité de l’Etat, elle montre une féminité et une autorité certaine. Jeanne d’Arc, la pucelle d’Orléans, féroce défenderesse de son roi et de la France, perdait-elle de sa force en s’appelant Mademoiselle ? Je ne crois pas. Au contraire, cela rajoute à la crédibilité des femmes et met bien en péril le terme « le sexe faible ».
Ne serait-on donc pas en train de nous tromper de but, les filles ? Passer trois plombes à chipoter sur les mots pour finalement réduire nos droits en peau de chagrin, c’est stérile. A mes yeux, cela ne nous aide en rien et rend peu crédible le mouvement féministe. Battez-vous plutôt pour le droit des femmes, ici et ailleurs, qui vivent dans la peur de ne pas pouvoir se déplacer, travailler, ou même mener une vie normale sans être harcelées ou même en danger de mort. Elles seraient sans doute heureuses de prendre nos places.